Le Professeur Daniel GUILMET a célébré, au cours de l’année 2007, sa cinquantième année passée «en blouse bleue».
En 50 ans, il aura ainsi procédé à plus de 12.000 opérations à cœur ouvert dont 200 transplantations, redonnant ainsi à 12.000 malades la chance d’une seconde vie.
Le docteur Jean BACHET, l’un de ses plus fidèles assistants, évoque la carrière de Daniel GUILMET.
DANIEL GUILMET
Par le docteur Jean BACHET
Biographie du Professeur Daniel GUILMET
Les débuts
Chef de service à Foch
Premières transplantations cardiaques
Who's who ?
Comment parler sans détours, en public, de celui qui fut votre Patron, votre Maître, au sens médical du terme, votre supérieur hiérarchique, avec tout ce que cela peut comporter de contraintes, d’agacement, de tensions, mais aussi de complicité, de connivence, de projets, de joies et de peines partagées, sans tomber dans le panégyrique flagorneur, plat et convenu, ni évidemment, la critique, le dénigrement, le règlement de compte.? En un mot comme en cent, comment raconter 25 ans de cohabitation, de collaboration, de vie communeavec un personnage de cette sorte ?
Peut-être tout simplement en vous le racontant, en suivant sa biographie et la carrière du chirurgien et de l’universitaire avec ses points forts et ses points faibles et en tentant de vous transmettre l’idée que je me suis faite sur ce que furent son influence et sa marque sur ses élèves et sur notre métier.
Peut-être en profiterai-je aussi pour dénoncer un peu une certaine mythologie attachée à la fonction de chirurgien et qui m’a toujours semblé plus nocive que gratifiante.
BIOGRAPHIE
Daniel Guilmet est né le 4 août 1932 en Indochine, alors colonie de la République et où son père exerçait le noble métier de Professeur de Mathématiques. Il hérita de ce père, libre penseur affiché, outre une ressemblance physique qui s’accentue chaque jour un peu plus, un certain positivisme, une totale indifférence pour le fait religieux, un sens certain de l’analyse et une grande perspicacité dans les matières techniques de son métier.
Avec ses élèves, le Professeur GUILMET, père du Professeur Daniel GUILMET
40 ans plus tard : le Professeur Daniel GUILMET, et ses anciens assistants
Il fit des études primaires et le début de ses études secondaires avec application et s’y montra bon élève. Ce ne fut cependant pas toujours sans souci. En 1943, Monsieur Guilmet Père, fut déchu par le régime de Vichy de ses droits et interdit d’exercer le professorat. Il fut assigné à résidence dans la campagne et chargé d’une exploitation de charbon de bois. Il y tomba gravement malade et son fils âgé de 11 ans seulement, dut le transporter jusqu’à l’hôpital de Saigon dans une charrette à bras, au prix d’efforts étonnants pour un gamin de cet âge.
Une autre fois et quelques temps plus tard, alors que la guerre finissait et que l’occupant japonais se retirait, il trouva avec un camarade, un pistolet. Il leur prit l’idée saugrenue d’aller dans le quartier indigène alors que déjà la première insurrection nationaliste vietminh s’était levée. Un indochinois les menaça. Les deux morveux n’hésitèrent pas à sortir leur pistolet pour lui faire peur. Ils ne durent leur salut qu’au fait de courir plus vite que leurs poursuivants!
Ces deux anecdotes illustrent déjà deux traits importants de Daniel Guilmet. La persévérance dans l’effort et dans la difficulté, l’obstination, la volonté de vaincre l’obstacle lorsqu’il est persuadé que le jeu en vaut la chandelle ; mais aussi un certain sens de la provocation, de l’esprit bravache, du sentiment d’impunité dont il jouera et jouira toujours.
Il conquit également pendant cette époque de glorieux lauriers puisqu’il devint en 1945 champion d’Indochine de natation (catégorie minime). Ceci l’a poursuivi longtemps puisque 40 ans plus tard il ne pouvait pas se trouver au bord d’une piscine avec ses assistants ou ses amis sans organiser des compétitions aussi vaines que courues d’avance, car bien sûr, il nageait mieux que tout le monde.
De retour à Paris en 1946, Daniel y poursuivit ses études au lycée Condorcet où il obtint le Baccalauréat sans difficulté et fut admis en classe de mathématiques supérieures. Il s’aperçut immédiatement que le prix à payer était de 20 heures de mathématiques et autant de physique par semaine et décida sur le champ avec un autre camarade et sous l’influence d’un bon professeur de sciences naturelles de s’inscrire au certificat de Physique, Chimie et Biologie, passage obligé alors, vers les études de médecine. Là encore remarquons un de ses traits de caractère, et non des moindres: toujours essayer d’échapper aux corvées ou aux importantes contraintes tout en préservant son statut.
Il parcourut sans problème le cursus de la faculté de Médecine de Paris. Comme tous les étudiants de cette époque il prépara le concours de l’Externat des Hôpitaux de Paris, fut admis et put donc préparer le concours de l’Internat des Hôpitaux de Paris.
Il faut là que je m’arrête un moment pour expliquer à ceux qui ne sont pas de notre corporation ou à ceux qui y sont entrés récemment ou qui ont fait leurs études à l’étranger, ce qu’étaient nos études à cette époque.
Le passage par la faculté et les 6 années de médecine étaient évidemment obligatoires. Chaque année était validée par un examen et l’on progressait ainsi jusqu’à la thèse. Ces études étaient dans l’ensemble faciles et n’inquiétaient guère un bon étudiant. On assistait d’ailleurs très peu ou pas du tout aux cours magistraux, se contentant de participer aux travaux dirigés et pratiques obligatoires. A l’époque, une boutade circulait d’ailleurs, que je vous livre:
Un décret vient de paraître.
Article premier: la faculté de Médecine est supprimée.
Article deuxième: l’enseignement continue comme par le passé.
C’est que la chose importante était les concours hospitaliers : l’Externat puis l’Internat. Chaque grande ville de faculté avait les siens. Leur préparation, faite de «conférences» pluri hebdomadaires et nocturnes sous la férule d’un Interne en fonction (certains étaient des «conférenciers» très célèbres) ou de «sous-colles» non moins pluri hebdomadaires et nocturnes avec des camarades de son choix, représentait un parcours du combattant, une somme de travail, une dépense d’énergie qu’aucun des impétrants, n’a, je pense, oublié et où certains ont pu perdre la santé physique et mentale. Le prestige de ces concours était fonction de la taille des villes ainsi que du prestige et de l’ancienneté de leurs facultés. Et donc le concours de Paris était le concours parmi les concours. Devenir Interne des Hôpitaux de Paris, c’était pour un étudiant en médecine comme être Normalien pour un étudiant en lettres ou en sciences, Polytechnicien pour un matheux, Énarque pour un étudiant en sciences politiques. C’était surtout la seule façon de devenir Chirurgien.
La sélection était féroce et le taux de réussite ne dépassait pas 7% à chaque concours. Mais il est vrai que l’on pouvait se présenter jusqu’à 5 fois.
Voilà donc le concours prestigieux que Daniel GUILMET réussit en 1957. Comme on dit dans notre jargon: il était «nommé». Et voilà pourquoi nous célébrons ce 50ème anniversaire.
Le voici donc Interne des Hôpitaux de Paris. Comme tous ceux auxquels c’est arrivé, il s’imaginait que la gloire allait le combler et que le monde entier n’attendait que lui. C’était évidemment très exagéré. La gloire fut au rendez-vous mais certes pas universelle. Quant au monde, pour le conquérir, encore aurait-il fallu qu’il parlât un minimum d’idiomes étrangers, ce qui, hélas! Mais nous y reviendrons.
C’est que le chemin était encore long. Il lui fallut d’abord, comme beaucoup des jeunes français d’alors, participer à ce que, par un bel euphémisme, on appelait les «évènements» d’Algérie. Il y passa 24 mois.
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