ASSEMBLÉE GÉNÉRALE 2018
L’année nouvelle est déjà bien entamée. Le temps passe vite et, si j’ose dire, plus on avance en âge plus on a le sentiment que cette vitesse s’accroît !
Aussi nous voici déjà à la date de notre assemblée générale. Comme vous pouvez le constater cette année, cette assemblée connaît un important changement dans son organisation. Pour des raisons à la fois logistiques et économiques nous avons décidé de ne plus la tenir dans l’amphithéâtre d’un grand hôpital, le nombre d’adhérents présents ne le justifiant plus. Mais surtout, la possibilité qui vous est maintenant offerte de voter en ligne ou par correspondance vous permet d’y participer sans vous déplacer physiquement. C’est pourquoi nous avons décidé d’organiser cette assemblée à notre siège de Suresnes. Ce changement n’affecte en rien le bon fonctionnement de l’ADETEC.
Et merci à ceux d’entre vous qui nous ont rejoints malgré les difficultés actuelles de transport.
L’année 2017 et le début de cette année ont vu le nombre d’adhérents augmenter et nos finances bien se porter.
Les bourses qui avaient été attribuées pour cette période ont été versées et les travaux scientifiques ainsi financés ont tous été entrepris ou sont en bonne voie. D’autres demandes de bourses ont été reçues récemment et l’examen par le Conseil Scientifique des projets qu’elles contiennent a paru justifier leur attribution. Il est d’ailleurs assez réconfortant de voir que les candidats aux bourses de l’ADETEC s’investissent dans des projets de recherche ou s’engagent dans des formations de très bon niveau et qui, à l’évidence, doivent participer à l’amélioration et au progrès de la recherche cardio-vasculaire et qu’ainsi ils concourent au but même pour lequel l’ADETEC fut créée en 1971.
Par ailleurs, il faut remarquer que, cette année, les demandes de subventions des laboratoires se sont quelque peu raréfiées. Or notre trésorerie est importante. C’est pourquoi il a été décidé par le Conseil d’administration, sous couvert de l’acceptation par l’Assemblée Générale, de participer au financement de travaux scientifiques de grande envergure, déjà en cours ou en passe de l’être, dans des laboratoires de recherche universitaires ou affiliés. Des contacts ont été pris qui devraient très bientôt aboutir à des contrats d’une certaine importance. De même l’ADETEC dont l’action, depuis sa création, a été essentiellement centrée sur des établissements de la région Parisienne voit maintenant son activité s’étendre doucement mais sûrement vers d’autres régions de France, tant en ce qui concerne le financement de travaux scientifiques que, surtout, la participation de nouveaux adhérents. Cette extension nationale est en effet un élément important de la diffusion de notre activité et de notre notoriété. A cet effet et pour attirer plus de demandes de financement de bourses ou de structures de recherche, une campagne de publicité va être, dans le courant de l’année, mise en place à travers un ou plusieurs inserts dans le journal de la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-vasculaire.
Par ailleurs, et cela va presque sans dire, l’ADETEC a, au cours de l’année, poursuivi ses participations au financement de quelques programmes sociaux ou humanitaires tels que la formation de personnel technique pour un centre de chirurgie Cardio-vasculaire à Dakar, le fonctionnement de la « Maison de Parents », sa quote-part au financement de l’association du syndrome de Marfan, etc.
Ainsi, grâce à ses buts et à une grande rigueur de gestion de son Bureau, de son conseil d’administration et de son conseil scientifique, mais surtout grâce à ses adhérents fidèles, l’ADETEC se porte bien. Que tous en soient remerciés.
Le Président,
Docteur Jean BACHET.
LA VIE DE L'ADETEC EN 2017
Chers Amis de l’ADETEC,
Beaucoup, parmi vous, n’ont pas pu nous rejoindre aujourd’hui à cause des diverses
manifestations et grèves. Nous le regrettons, car notre Assemblée Générale, c’est tous les ans, un moment privilégié de rencontre entre adhérents (anciens opérés du
coeur) et chirurgiens de notre association.
« A l’An che ven », donc ! (Trad : A l’an prochain)
Notre convocation contenait l’essentiel des données financières et comptables concernant le fonctionnement de l’ADETEC au cours de l’année 2017. C’est la raison pour laquelle vous ne trouverez ici qu’une brève synthèse de ces éléments.
Tout d’abord, ainsi que vous pouvez le constater, grâce à votre fidèle participation et à plusieurs legs, la Trésorerie de notre Association est confortable
(1.015.668 €). Ceci nous permet d’envisager favorablement le futur de notre association.
Une partie significative de ces excédents sera employée au cours de l’année 2018 :
A l’octroi de bourses, à de jeunes médecins qui se destinent à la chirurgie cardiovasculaire, afin de passer plus facilement l’année de stage dans un laboratoire de recherches comprise dans le cursus de leurs études.
Au financement de recherches destinées à la chirurgie cardio-vasculaire, conduites par des laboratoires d’études. Notamment en bénéficieront : l’IMM RECHERCHES ainsi que le projet AVIATOR KIDS (chirurgie infantile).
A des projets récurrents, notamment en faveur de la Maison de Parents et de l’association du Syndrome de Marfan.
A la poursuite de la formation de techniciens de la salle d’opération qui se crée à Dakar, à l’initiative du docteur Maguette BA (l’un de nos anciens boursiers).
D’autres projets pourraient être envisagés au cours de l’année 2018.
Pour la seconde année, vous êtes nombreux à avoir voté par correspondance. La procédure a été simplifiée et désormais il vous suffit de faire quelques croix sur le bulletin de vote, puis de l’insérer dans une enveloppe préaffranchie « T » jointe à la convocation. De même, en ligne, dés que vous vous êtes fait reconnaître, vous accédez au bulletin de vote virtuel qu’il vous suffit de compléter.
PRÉCAUTION IMPORTANTE
Évitez, autant que possible, de « donner pouvoir ».
Un même délégataire ne peut disposer que de 9 pouvoirs au maximum ET il doit être présent à l’AG.
Ainsi, par exemple cette année, plus d’une centaine de pouvoirs n’ont pu être attribués ou exercés faute d’adhérents présents à l’AG en nombre suffisant (ici, du fait des grèves SNCF), alors que si ces adhérents avaient voté par correspondance, leur vote aurait naturellement été enregistré.
RÉSOLUTIONS
L’Assemblée Générale a largement approuvé les résolutions suivantes :
Nomination pour 3 ans au poste d’administrateur :
du docteur Emmanuel LANSAC
du docteur Philippe de LENTDECKER
de M. Daniel GREVOUL
de M. Georges MALGOIRE
Approbation du bilan et des comptes à fin 2017
Quitus donné au Conseil d’Administration pour sa gestion au cours de l’année 2017
Dotation à la Réserve statutaire de 10 % du résultat positif de l’année, soit 10 % de 178 977 € = 17 898 €
Solde des résultats imputé sur le report à nouveau
Approbation du budget prévisionnel pour l’année 2018
AUTRES ÉVÉNEMENTS SIGNIFICATIFS
Évolution du nombre d’adhérents :
Au 31 décembre 2017, 1 318 adhérents étaient effectivement actifs, soit en augmentation significative de 7% par rapport à l’année précédente (1.233). Cette variation est due en particulier à l’entrée en vigueur progressive des accords avec le service de chirurgie cardiaque du CHU de Rennes et des services de Rythmologie et de cardiologie interventionnelle de l’IMM.
En 2018, nous espérons que le nombre total d’adhérents actifs pourrait atteindre le chiffre de 1 400.
Résultats de l’année 2017
Le total des RESSOURCES de l’année a atteint le montant de 363 642 €, dont 230 017 € au titre des legs.
Pour leur part, les DÉPENSES totales se sont élevées à 184 665 €, dont 102 500 € de bourses d’études et 15 000 € de subventions à caractère social.
Budget de l’année 2018
Les RESSOURCES sont attendues pour 240 000 €, dont 100 000 € au titre des legs. Compte tenu de l’effondrement des taux d’intérêt pratiqués, les produits financiers ne devraient pas dépasser le chiffre de 10 000 €.
Nous renouvelons tous nos vœux de bonne santé à nos adhérents et souhaitons les rencontrer lors de la prochaine Assemblée Générale en 2019.
Georges MALGOIRE
Back to topL'ECHEC CHIRURGICAL
Par le Docteur Jean Bachet, Président de l'Adetec
Dans les professions médicales ou paramédicales, il est courant sinon automatique de rapporter les résultats des soins apportés aux patients, des techniques employées, des devenirs immédiats ou à terme des malades sous forme de statistiques et de données chiffrées. Dans les publications médicales (journaux nationaux ou internationaux de spécialités, présentations dans les congrès et réunions scientifiques) il est toujours question de pourcentages, de facteurs de risque, de taux de survenue, de comparaisons chiffrées, de signification statistique, etc. Mais il faut bien constater que derrière ces données chiffrées et ces graphiques et courbes souvent sophistiquées (et tout à fait indispensables à la diffusion scientifique des résultats) se cache souvent une réalité plus directement agressive : l’échec thérapeutique.
Il m’a donc paru intéressant d’analyser ici ce qu’est cet échec en particulier pour ce qui concerne la chirurgie et comment, si possible, en cerner les causes et en diminuer la fréquence.
L’échec chirurgical est un vaste évènement qui requiert :
- d’être défini ;
- d’être identifié ;
- d’être reconnu ;
- d’être analysé ;
- et bien sûr, dans la mesure du possible, d’être corrigé.
Ceci serait assez simple si l’échec chirurgical était une structure unidimensionnelle. Ce n’est pas le cas, car il dépend de multiples facteurs tels que le malade lui-même, l’organisation du système de santé, de l’établissement de soins, de la stratégie thérapeutique et, bien sûr, de l’acte chirurgical dans lequel interviennent plusieurs spécialités et spécialistes (anesthésistes, réanimateurs, personnel infirmier, techniciens, etc.), et de nombreux types de manœuvres et d’interventions. Mais on peut observer que chaque fois qu’un malade subissant un acte chirurgical souffre d’une complication ou décède pendant ou après cet acte, on considère qu’il s’agit d’un échec chirurgical, alors même que les causes de cette complication peuvent être tout autres. On ne prête qu’aux riches….
Ceci amène à définir ce qu’est la chirurgie. Deux poncifs sont très souvent entendus, répétés à l’envi et qui me semblent totalement erronés : « La chirurgie est un art », et « La chirurgie est une science » !
Il me semble qu’elle n’est ni l’un ni l’autre. Elle n’est pas un art car il n’existe aucune hiérarchie dans l’activité et la production artistique et personne ne peut prouver que Léonard de Vinci est un plus grand peintre que Pablo Picasso. Ils sont simplement différents et adaptés à leur temps.
Ce n’est pas une science comme la physique, les mathématiques ou l’astronomie. On peut, par exemple, calculer actuellement avec une parfaite précision que la révolution d’une planète en 2089 durera 3 ans, 7 mois, 9 jours, 4 heures, 43 minutes et 36 secondes ! Quel chirurgien peut dire que son intervention de remplacement de la valve aortique va durer exactement 2 heures, 23 minutes, 48 secondes à la température de 34.5°C. avec un flux de circulation extracorporelle de 4, 57 l/mn pendant 43 minutes et 16 secondes !.
Non. La chirurgie est une technologie pratiquée chaque jour par des « techniciens ». Certes, comme toutes les structures technologiques sophistiquées, elle est basée (et de plus en plus) sur des données scientifiques expérimentales. Mais celles-ci appartiennent essentiellement au laboratoire tandis que l’activité de la salle d’opération est essentiellement technologique.
Par ailleurs il faut noter que de nombreuses structures technologiques modernes sont complexes, opaques aux non spécialistes, souvent automatisées, quelquefois dangereuses et soumises, du fait même de leur nature, à des règles de plus en plus strictes.
On pourrait estimer qu’il en va ainsi de la chirurgie. A ceci près qu’à la différence de ces technologies, la chirurgie conserve un caractère fondamentalement artisanal.
Car quand on observe tous les actes chirurgicaux, on constate qu’ils consistent dans l’écrasante majorité, à couper, réséquer, coudre, remplacer de la façon la plus manuelle et artisanale qui soit.
On peut m’opposer ici que sont apparus pour l’aide à l’acte chirurgical des matériels extrêmement complexes et sophistiqués tels par exemple que ce que l’on a appelé « les robots ». Certes ces matériels peuvent dans de nombreux cas améliorer la qualité de l’acte chirurgical. C’est particulièrement vrai pour certaines spécialités. Mais ce ne sont pas des « robots ». Ce sont essentiellement des télémanipulateurs qui ne se substituent en rien à l’acte manuel du chirurgien lequel continue, à distance et à travers la machine à couper, réséquer, coudre, remplacer. Il n’y a ni automatisme, ni retour de force, ni localisation spatiale automatique des structures, ni mise en séquence des gestes, ni, hélas ! de corrections des gestes erronés éventuels.
Il semble donc impossible, en ce qui concerne la chirurgie, de faire abstraction du facteur humain dans la responsabilité de l’échec.
Les erreurs survenant dans les technostructures telles que la chirurgie, ont été parfaitement décrites et classifiés par James Reason dans son livre « Human Error » (Cambridge university Press. 1990) On peut très schématiquement résumer ce classement :
en fautes non intentionnelles liées à des oublis, des mauvaises interprétations de situation, des contretemps, des omissions,
et en fautes intentionnelles liées à la non application de bonnes règles, à l’application de mauvaises règles, à la violation de règles établies, etc.
Si l’on considère les erreurs liées à l’action on peut avec J. Reason définir :
celles qui concernent les automatismes ;
celles qui concernent les règles ;
celles qui concernent la connaissance.
Elles mettent en jeu un certain nombre d’actions conscientes ou inconscientes telles que l’intention, l’observation, l’identification, l’évaluation, le choix du but, la sélection d’une technique, son exécution, mais dans lesquelles peuvent intervenir, là encore consciemment ou inconsciemment, l’intelligence, le savoir-faire ou l’expérience.
L’erreur peut être conceptuelle. Par exemple un chirurgien, ou une équipe chirurgicale, décide, en dépit de ce qui est habituellement pratiqué et validé par l’expérience, de pratiquer une nouvelle ou inhabituelle technique.
Elle peut être comportementale, le chirurgien ou l’équipe n’appliquant pas ou modifiant à l’improviste la technique habituelle confirmée devant la survenue d’un problème bien connu.
Enfin elle peut être contextuelle, le chirurgien ou l’équipe décidant d’utiliser une technique nouvelle ou totalement inhabituelle pour suivre une nouvelle mode ou concurrencer une autre équipe.
Ces raisons peuvent d’ailleurs être associées.
L’erreur peut-être basée sur des automatismes.
Elles sont le plus souvent non intentionnelles et relativement fréquentes. Elles sont évidemment liées au fait que de très nombreux automatismes interviennent dans l’acte chirurgical comme, par exemple et même si ceci peut paraître trivial, dans la conduite d’une automobile.
A l’inverse certaines erreurs peuvent être dues à une tension et une anxiété excessive de la part du ou des intervenants et il n’est pas exceptionnel que certains opérateurs engendrent lorsqu’ils opèrent un climat de tension tel qu’il favorise la survenue d’erreurs souvent graves.
D’autres erreurs fréquentes sont liées aux connaissances même du chirurgien ou de l’équipe chirurgicale ou à l’idée qu’ils s’en font.
C’est par exemple le cas dans ce que j’appellerais l’illusion de la maitrise : « Je sais parfaitement comment il faut faire ! »
C’est également le cas pour la mésestimation du risque, que celle-ci soit due à une analyse erronée de l’état du malade, des conditions anatomiques et pathologiques, aux possibilités techniques de l’équipe ou autre : « C’est assez facile ! ».
Ce peut être également lié à une mémoire défaillante et à une oblitération inconsciente d’évènements passés : « Cela ne m’est jamais arrivé ! »
Enfin ceci peut être lié à la connaissance purement théorique d’une technique sans jamais l’avoir pratiquée : « J’ai vu ça parfaitement fait par J. Smith à Los Angeles il y a deux mois ! »
Toutes ces attitudes sont essentiellement basées sur la personnalité du chirurgien, sur sa position hiérarchique ou même sur le sentiment de supériorité de certaines équipes, persuadées qu’elles sont meilleures que leurs homologues alors que souvent leurs résultats ne viennent pas confirmer ce sentiment.
La violation des règles constitue un autre facteur non négligeable d’erreurs.
Là encore, ces violations, lorsqu’elles sont volontaires, semblent augmenter avec l’âge, le savoir-faire, l’expérience, et la position hiérarchique de l’opérateur. Ces violations sont souvent acceptées sinon facilitées, ou du moins passées sous silence, du fait de l’indifférence mais surtout de la dépendance de l’entourage et des collaborateurs et de la crainte de possibles rétorsions ou sanctions.
Mais parfois la règle est violée de façon parfaitement involontaire du fait d’un incident, d’un événement ou d’une complication technique parfaitement inattendue. Il est évident que la survenue d’une telle violation n’est pas liée à l’âge, à la compétence ou à l’expérience de l’opérateur ou de l’équipe. Ses conséquences sont, au contraire, assez souvent réduites par le savoir-faire ou l’expérience du ou des opérateurs et de l’entourage.
Bien entendu, il existe de nombreux facteurs de risque pour la survenue des ces différentes erreurs et il ne faut pas systématiquement en rendre responsables uniquement les participants à l’acte thérapeutique. Ces facteurs de risque doivent évidemment être pris en compte et réduits tant que faire se peut. C’est quelquefois difficile. Que dire, en effet de l’activité réduite de certains hôpitaux ou services alors qu’il est prouvé sans discussion possible que le niveau d’activité pour une spécialité ou une sous-spécialité définie a une influence incontestable sur le niveau des résultats ? Que dire du stress et de la fatigue engendrés par des charges de travail excessives (nous y reviendrons) ?
Mais il est évident que l’échec chirurgical ne peut être isolé du contexte général de la pratique hospitalière et de l’organisation des soins, localement et au niveau national.
De plus en plus l’acte chirurgical est l’aboutissement d’une chaine de facteurs et d’interventions qui commencent, bien entendu par les symptômes puis le diagnostic, le bilan pathologique et général du malade, l’analyse des possibilités thérapeutiques et enfin le choix de l’action elle-même.
Il ne fait pas de doute qu’à tous ces niveaux, des erreurs, des approximations, des négligences peuvent intervenir qui auront une influence néfaste sur le résultat final. De plus, tous ces éléments s’intègrent dans un système de protection sociale et une organisation hospitalière dont le niveau a une influence majeure sur la qualité de l’acte thérapeutique lui-même.
L’échec peut donc être défini comme local et immédiat. Ce type d’échec est évidemment celui qui est généralement le plus rapidement détecté et dont les conséquences sont les plus évidentes pour le patient (et son entourage) alors qu’elles sont moins évidentes pour l’équipe et la structure hospitalière, sauf lorsque cet échec conduit à des poursuites judiciaires et, bien entendu, encore moins pour la communauté nationale.
Mais l’erreur, de façon plus insidieuse, peut être due à l’organisation du système hospitalier, à l’histoire locale, à la conception de la démarche thérapeutique. Ceci peut à terme entrainer des conséquences tardives sur l’équipe ou l’établissement lorsque les erreurs se répètent de façon chronique. On connaît ainsi des exemples d’équipes ou d’établissements ayant dû cesser leur activité (ou une certaine activité) du fait de résultats très en deçà de la norme nationale ouinternationale. Et ce type d’erreurs répétées peut, à terme, avoir une influence négative ou positive sur l’organisation sanitaire nationale.
Mais quelle que soit sa nature, l’erreur doit être reconnue. Ceci est facile lorsque l’erreur est manifeste durant le geste thérapeutique. Elle est en général reconnue par l’équipe ou certains de ses membres. Mais il n’est pas rare qu’elle soit reconnue par un observateur extérieur à l’équipe lors de l’analyse a posteriori des évènements ayant abouti à l’échec.
Cependant cela ne suffit pas. Il est essentiel que lorsque l’erreur a été reconnue, ses conséquences soient rapidement analysées pour que soient mis en place les mécanismes correcteurs, immédiats ou futurs.
En 1994, Marc De Leval, éminent chirurgien cardiaque pédiatrique exerçant à Londres a établi une liste de questions qui peuvent concourir à l’analyse d’un échec chirurgical par les acteurs eux-mêmes et définir comment ces erreurs pourraient être réduites :
Est-ce que l’erreur est due à un événement fortuit ?
Est-ce que des facteurs de risque ou leurs variations peuvent expliquer la survenue de l’échec ?
Est-ce qu’une erreur humaine est à l’origine de l’échec ?
Est-ce qu’une surveillance accrue et appropriée permet de mettre en évidence une augmentation des erreurs ?
Quels indicateurs autres que le décès permettent de définir la qualité de l’acte chirurgical ?
Comment peut-on définir dans le temps la variation de compétence d’un chirurgien ?
Comment revenir à un niveau minimal d’erreurs après une série d’échecs ?
De Laval et ses collègues ont alors distingué les erreurs mortelles et les erreurs non mortelles (ce qu’ils ont appelé « near-miss »). En analysant la fréquence de survenue de ces différents types d’échecs ils ont défini et établi une identification des facteurs de risque conduisant à l’échec et surtout, une ligne d’avertissement à partir de laquelle l’attention des intervenants doit être attirée et une ligne d’alarme à partir de laquelle des mesures immédiates ou décalées doivent être entreprises. En appliquant ces critères à une série d’échecs survenus à la suite de la difficile chirurgie chez le nouveau-né d’une malformation congénitale grave (la transposition des gros vaisseaux), ils ont défini trois facteurs de risque dans leur protocole qui étaient responsables de 50% des échecs. Ils ont alors décidé de se soumettre à une nouvelle formation dans un autre service dont les résultats étaient beaucoup plus satisfaisants.
Ce type de démarche admirable d’intelligence et de modestie, reste tout à fait exceptionnel. D’autres structures d’analyse sont depuis un grand nombre d’années utilisées dans de nombreuses institutions hospitalières. Ce sont les réunions dites de « morbi-mortalité » dans lesquelles les éléments d’une conduite thérapeutique ayant entrainé un échec, sont revus, examinés, analysés par les différents acteurs ayant participé à l’acte et par des acteurs de la même spécialité, du même service, éventuellement du même hôpital, mais étrangers à l’acte lui-même. Ces structures se montrent en général productives et bénéfiques. Cependant leur fonctionnement n’est pas toujours simple car elles impliquent de la part des participants, une bonne mémoire des évènements, la bonne foi, l’absence de mise en accusation des acteurs, l’absence de concurrence ou de conflits entre les intervenants, et bien sûr un niveau de compétence indiscutable.
De même, depuis deux ou trois décennies, sont apparus dans les spécialités, en particulier chirurgicales, et pour chaque technique, des protocoles écrits, établis par des comités de spécialistes reconnus et basés généralement sur les résultats des études publiées dans la littérature. C’est ce que les Anglo-saxons ont appelé les « Guidelines ». Des coefficients de probabilité, de certitude, de résultats y sont inclus qui confèrent à ces protocoles et ces règles thérapeutiques une certaine forme d’obligation. Cependant, ces protocoles peuvent dans certains cas être discutés à travers des expériences personnelles, à travers des désaccords concernant la composition des comités d’experts ou, plus souvent, à travers la publication de résultats venant contredire ces règles établies.
Ainsi de nombreux obstacles à ces analyses de l’échec peuvent apparaître. Nous avons fait allusion à ceux liés aux acteurs. Mais n’oublions pas les obstacles liés à la structure hospitalière elle-même. Les motivations sont souvent faibles ou inexistantes de la part des administrations du fait :
- du manque de connaissance scientifique ;
- du fait des conséquences éventuelles sur les budgets ;
- du fait de l’influence d’une éventuelle publicité sur la réputation de l’établissement.
Se pose alors la question centrale de la reconnaissance, de l’analyse, des critères de corrections des erreurs et des échecs.
Il semble de plus en plus que la création de structures officielles, externes aux établissements et indépendantes mais réunissant des intervenants compétents, devraient être systématiques et obligatoires, pour chaque spécialité. Et que ces structures devraient se voir communiqués, de façon permanente et exhaustive, tous les résultats des interventions et actions thérapeutiques lourdes. Il est évident, que ces résultats devraient être inscrits dans la plus stricte confidentialité à la fois pour les malades et pour les équipes soignantes.
Ceci permettrait, à travers des banques de données complètes d’établir des statistiques exactes de mortalité et de morbidité pour un grand nombre d’actes et d’interventions, une comparaison des groupes et des techniques, une détection relativement précoce des déviations et une analyse des tendances thérapeutiques.
Ces structures obligatoires existent dans certains pays d’Europe comme la Grande-Bretagne, et dans certains états des Etats–Unis. Hélas on constate qu’il n’existe rien de tel en France, les seules banques de données existantes étant celles de sociétés savantes et pour lesquelles la participation est uniquement volontaire, ce qui évidemment introduit un biais majeur dans l’analyse des résultats à l’échelon national.
Le problème est, qu’en effet, le système des banques de données nationales obligatoires requiert de vastes organisations, ce qui pose le problème de leur financement, de leur direction, de la qualité et de la neutralité de leur personnel. Mais surtout se heurte à des réserves majeures des professions médicales, empreintes d’une certaine culture et de traditions de prééminence personnelle et donc à leur refus actif et militant.
D’autres systèmes pourraient être mis en place en s’inspirant, par exemple, de ce qui est fait dans d’autres domaines pouvant mettre en jeu la vie. Prenons l’exemple de l’aviation civile commerciale. Pour mémoire rappelons, qu’en 2017, il y a eu près de 4 milliards de voyageurs aériens avec un total de 44 morts dans 10 accidents, soit un risque de décès pour chaque voyageur de 1 sur 100 millions de vols ! (On se demande pourquoi certains continuent d’avoir peur en avion !)
Certes il ne s’agit pas ici de comparer l’activité chirurgicale et l’aviation commerciale. Les deux activités sont par essence différentes, les cultures très éloignées, les compagnies aériennes ont affaire à des passagers chez qui, dans leur écrasante majorité, la condition physique n’a pas d’influence sur le résultat de leur vol.
Il semble cependant que certaines pratiques pourraient être transférées à la chirurgie et aux techniques thérapeutiques lourdes.
Serait-il, par exemple, scandaleux ou ridicule, que toutes les interventions chirurgicales (ou thérapeutiques lourdes) soient enregistrées (image et son) ?
Que tout évènement inattendu, tout incident, toute erreur, tout comportement déviant soit enregistré et rapporté ? Que des « check-lists » obligatoires soient effectuées, immédiatement, pendant et immédiatement après l’acte thérapeutique ?
Si l’on examine maintenant le développement et la formation des chirurgiens durant leur carrière on constate que la plupart d’entre eux assistent à des congrès et réunions nationales ou internationales de leur spécialité. Mais, à quelques rares exceptions près, ce n’est guère pour se former à de nouvelles techniques ou pour améliorer leur technique d’une intervention donnée. Les motivations les plus importantes sont souvent d’entendre les résultats ou la description de techniques innovantes de spécialistes ou de centres célèbres, rencontrer des collègues et amis, discuter éventuellement affaires, quand il ne s’agit pas de tourisme. Certes ceci contribue à la formation et n’est certes pas négligeable. Mais s’agissant d’une nouvelle technique, ne pourrait-on, par exemple, imaginer qu’une équipe chirurgicale ne soit autorisée à la pratiquer qu’après une formation en centre de chirurgie expérimentale ou de simulation dument certifiée ?
Et même pour les techniques largement établies et pratiquées très régulièrement ne pourrait-on pas imaginer des stages de mises à jour annuels ou plus espacés, permettant de juger l’amélioration ou, au contraire, l’altération des techniques personnelles grâce, là encore, à l’utilisation de simulateurs ? C’est ce qui se passe dans l’aviation civile commerciale et apparemment c’est accepté de tous les personnels navigants.
Un autre problème troublant est celui des temps de travail. Dans l’ensemble, les chirurgiens travaillent beaucoup. Outre leurs horaires de travail quotidiens qui très souvent cumulent à plus de 48 heures hebdomadaires, ils sont régulièrement d’astreinte de nuit et de week-end. Certes la Commission Européenne s’est emparée de ce problème il y a quelques années et a établi des règles réduisant ces contraintes et ces horaires. Il n’empêche. Ne pourrait-on pas imaginer une autre organisation du travail chirurgical ?
Un exemple : L’an dernier une équipe de trois neurochirurgiens Chinois a travaillé pendant 32 heures pour enlever une très importante tumeur du cerveau à un malade. Ils n’ont pris pendant tout ce temps que deux heures de repos chacun toutes les huit heures. Ils ont été célébrés comme des héros. On a eu tort. On aurait dû stigmatiser leur comportement. Comment en effet peut-on maintenir sa connaissance, sa cconcentration, son habileté, sa clairvoyance dans te telles conditions ?
La solution devrait être toute différente. Pourquoi, les équipes chirurgicales ne travaillent-elles pas en « poste » de durée limitée (six heures par exemple) pour être ensuite remplacées par une autre équipe comme ceci se fait pour de nombreux métiers, y compris dans l’aviation.
Certes ceci impliquerait que les équipes soient tout à fait homogènes, aient la même formation, une expérience semblable. Non seulement ce n’est pas impossible mais c’est souvent le cas dans de nombreux services.
Enfin, on ne saurait clore ces quelques réflexions sans se poser une question brûlante : faut-il publier les résultats ?
Certes le public a volontiers soif de savoir ce qui se passe exactement, quels sont les résultats réels de telle ou telle technique, les informations journalistiques dans ces domaines étant souvent soit lyriques, soit d’une acuité et d’une exactitude discutable.
Pour les médecins et les structures hospitalières, nous avons vu les raisons de leur réserve.
Cette publication en outre peut avoir des conséquences fâcheuses non négligeables sur l’état de la santé d’une population. Ceci a été constaté lorsque l’Etat de New-York, où la collecte de tous les résultats est obligatoire, a mis en place la publication de ces résultats par établissement et par chirurgien. Les établissements et les chirurgiens ayant les plus mauvais résultats, souvent parce qu’ils opéraient les malades les plus graves, ont mis en place, pour améliorer leur classement, des sélections drastiques des patients et le taux de malades en condition très sévère à qui on refusait tout acte chirurgical a augmenté dans des proportions considérables. Les autorités ont donc fait marche arrière et mis un terme à ces publications nominatives.
Ainsi donc, l’échec chirurgical reste une réalité qui non seulement atteint la communauté des malades et leur entourage, mais également et, dans une mesure que souvent on ignore, la communauté médicale et chirurgicale et tout le personnel impliqué dans l’acte thérapeutique. Malgré les immenses progrès accomplis dans sa réduction, cet échec reste cependant quelquefois mal défini, dû à une erreur non reconnue, insuffisamment analysée. Pourtant les outils statistiques modernes, les protocoles mis en place, les matériels de plus en plus sophistiqués peuvent permettre une meilleure prévention de certaines erreurs, de même que le respect de règles solidement établies sur des années d’expérience et de résultats indiscutables.
Mais incontestablement des structures extérieures aux acteurs de l’acte restent essentielles pour l’analyse de ces erreurs et de ces échecs. C’est vrai à l’échelon local où elles sont en général mises en place, c’est hélas moins vrai à l’échelon communautaire ou national.
A l’image de ce qui est fait dans d’autres technologies sophistiquées et possiblement dangereuses telle l’aviation civile commerciale, la communauté hospitalière pourrait certainement encore diminuer le taux des échecs en modifiant un certain nombre de pratiques, en en adoptant un certain nombre d’autres. Mais ceci implique peut-être et pour un temps encore, un large bouleversement d’une culture établie depuis des lustres.
Quant à penser que les échecs chirurgicaux disparaitront un jour, il ne faut pas rêver.
Il ya deux sortes de chirurgiens qu’il ne faut pas croire : Ceux qui, lorsqu’on leur parle des succès de leur technique, disent « Toujours » et ceux qui, lorsqu’on leur parle de leurs échecs, disent « Jamais ». Ce sont souvent les mêmes !
Jean BACHET
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